Voici de quoi aiguiser votre curiosité , le préambule de “Musique : plaisirs et peurs” :
« J'ai rédigé ce livre sous une forme à la fois pratique et poétique ; je pense que l'analyse du fait musical et de ses conséquences doit s'associer à l'analyse psychologique, à ce que j'appellerai la “ provocation poétique” et à une certaine philosophie.
J'ai ainsi ménagé des espaces de « délire », d'échappées verbales qui font approcher par le langage le domaine inexplicable des sons. Par leur aspect excessif, ils incitent le lecteur à plonger dans le monde brut et fantasque de l'imaginaire, comme un voyage instantané dans l'espace débridé qui précède toute expression musicale.
J'estime que l'on maltraite souvent la musique : je me ferai ici acteur et enquêteur pour dénicher des suspects? Je mène des investigations, j'interroge la sensibilité, la pensé, l'émotion, le raisonnement à partir d'une intime conviction,
Cela veut dire aussi que j'abandonne a priori d'autres pistes. Dans un premier temps il m'appartiendra de démontrer la non-justesse et le déséquilibre de certaines situations, je m'attacherai ensuite a l'équilibre; mais que serait un équilibre qui ne connaîtrait pas ses déséquilibres?
Je chercherai les racines de la peur. Je ne parle pas ici d'une peur philosophique, sorte de doute méthodique appliqué à l'art des sons, pas plus d'une peur naturelle de l'inconnu qui s'efface avec la pratique. Je parle de cette peur qui devrait s'attacher aux « grandes choses », l'Art , l'Amour, que sais-je … une peur qui tout en les sanctifiant les rendrait à jamais inaccessibles.
Or loin de rentre l'acte musical précieux comme elle le prétend, cette peur écrête tout ce qui dépasse pour rendre un chant monotone et peu divin.
Ce privilège néfaste est commun à la composition, à l'improvisation, à l'interprétation et à leur pédagogie. Nous sommes les héritiers de structures d'enseignement nées de la Révolution et de l'Empire et nous n'avons pas su créer un enseignement qui se base sur des principes propres à la musique.
L'état de vieillissement qui émane de nos instructions fait même que l'on pourrait espérer leur disparition; ainsi laisserait-on le champ libre à l'inculture en prétextant de la culture de l'échec.
Il est trop facile de singulariser les pratiques musicales, de leur reconnaître des intérêts séparés et d'expliquer ainsi la complexité de la tâche et ses échecs; leur dénominateur commun est l'art des sons, la musique. Le musicien fait cette musique par amour et si l'amour se teinte de peur, la triste servitude apparaît et l'amour capitule.
L'acte de création est souvent apparenté au vide; il est certes naturel d'avoir peur du vide, mais de quel vide parle-t-on, celui de la page blanche ou celui des sons de l'imaginaire ? Ces sons de l'imaginaire sont ceux-là mêmes qui nous ont guidés d'instinct vers la musique : il faut les rappeler d'urgence car je doute que sans imagination on continue longtemps à faire de bonne musique. »
Édition l'Harmattan : novembre 2008. (12,50 €)
Pour commander ce livre cliquez ici :
L'harmattan