La drôle musique des jardiniers municipaux
Le grondement qui monte telle une menace, derrière les accords du clavier, c'est eux. Le léger crissement qui met de l'aigu dans l'emballement de la mélodie, c'est eux. Le frou-frou vaguement cousin des castagnettes, encore eux. "Eux", ce sont les jardiniers municipaux de Paris, que le musicien et compositeur Patrick Scheyder fait "jouer" avec lui sur scène ce midi dans le cadre de son festival itinérant Musiques aux Jardins. Le lieu choisi pour ce drôle de concert de piano, râteaux, sécateurs et plaques de tôle : le parvis de l'Hôtel de Ville.
Des outils en guise d'instruments
"La Rose et la Biodiversité", le titre du spectacle, alterne musique, textes lus par la comédienne Marie-Christine Barrault et " actions de jardinage", réalisées par six employés municipaux du jardin d'Eole (XVIIIème) et de quatre ville de proche banlieue. Un défi créatif et plutôt joyeux pour ces hommes et femmes peu habitués à se produire en public, et encore moins sur le pavé, fut-il agrémenté d'une pelouse éphémère et d'un décor floral. 'Pour le premier Musiques aux Jardins, on avait le décor, raconte Thierry Dodard, le jardinier en chef. Ensuite, on est devenus partie prenante, en réalisant une création végétale en direct sur la musique." Cette fois, ils vont "jouer".
Mais avec des outils en guise d'instruments. Produire des sons en travaillant, les jardiniers le font tous les jours sans y penser. Restait à faire ronfler le motoculteur en harmonie, à ratisser sur des matériaux divers, avec des rythmes et des pauses..."On s'est fait des bœufs avec nos outils", s'esclaffe Didier, ravi de se retrouver "musicien d'un jour". " On n'imaginait pas, avant, que l'on pouvait faire autant de sons différents avec des outils comme les nôtres", poursuit-il. 'on a l'impression d'être des créateurs", sourit Nathalie, l'une des deux jardinières de l'équipe.
Le plus ravi de tous, c'est peut-être Patrick Scheyder, pianiste et comédien, mélangeur de musique et inventeur du festival. Un vrai homme-orchestre, à qui une rencontre avec les jardiniers municipaux a donnée l'idée de ce mariage. "Le monde du jardin est un monde sonore, estime le musicien. Inventer ces sons, improviser une harmonie, c'était aussi parler de la biodiversité de façon ludique... et agréable!"